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    Bien vivre l'allaitement est un livre écrit par Madeleine Allard et Annie Desrochers. Il est publié chez Hurtubise. Pour joindre les auteures
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Sommeil partagé, l’heure juste

Le site Yahoo! Actualité publiait la semaine dernière un article sur le sommeil partagé qui nous a fait dresser les cheveux sur la tête. Le texte n’est pas signé et ne mentionne pas ses sources, ce qui le rend peu crédible. Néanmoins, nous avons décidé de l’examiner de plus près. Pour ce faire nous nous sommes servies des informations contenues dans le chapitre de notre livre consacré au sommeil.

Les extraits de l’article sont entre guillemets.

Plusieurs parents choisissent de dormir avec leur bébé. Parce que les mères allaitent, c’est souvent pour une question de commodité, mais d’autres mères, qui ont du mal à se séparer de leur bébé, recherchent constamment un contact avec celui-ci.

Non seulement plusieurs mais une grande majorité de parents choisissent de dormir à un moment ou un autre avec leur bébé. En 1999, un sondage réalisé par le magazine Today’s Parent montrait que 83% d’entre eux avait dormi au moins une fois avec leur bébé. En Suède, deux bébés sur trois dorment régulièrement avec un adulte et en Angleterre, des chercheurs se sont aperçus que s’ils n’avaient pas demandé aux parents si l’enfant avait été déplacé de son lit au cours de la nuit, ils seraient passés à côté de la moitié des cas de partage du lit! En outre, les mères qui allaitent sont deux fois plus nombreuses à dormir avec leur bébé que les autres.

De nombreux pédiatres recommandent de ne pas dormir avec les bébés. Si les femmes veulent le faire, cela pourrait être acceptable pendant les deux ou trois premières semaines seulement, le temps que maman et bébé se rassurent et qu’ils gagnent de la confiance.

En effet, la Société canadienne de pédiatrie recommande le partage de la chambre, mais continue de condamner la pratique du partage du lit. Cette position nous semble excessive et de nombreux spécialistes du sommeil des bébés et de l’allaitement défendent le partage du lit, entre autres l’anthropologue Dr James McKenna et le pédiatre américain Dr William Sears. Quant au fait de partager le lit pendant les deux ou trois premières semaines, sur quoi s’appuie-t-on pour affirmer que cela ne serait plus acceptable ensuite?

Famili mentionne que les bébés ont besoin de s’approprier leur sommeil et la mère doit accepter de se séparer de son enfant.

Quel passage étrange! Le co-dodo est une pratique millénaire et la façon dont la majorité des mères et des bébés du monde choisissent aujourd’hui de dormir. C’est en très grande partie notre culture occidentale qui a construit le mythe du bon bébé qui dort toute la nuit, dans son propre lit et dans une pièce séparée de sa mère. Depuis le début du XXe siècle, on maintient la promesse qu’un bébé qui dort seul et longtemps est à la base du développement de l’autonomie de l’enfant. Pourtant, aucune recherche n’a prouvé cette affirmation… bien que nous persistions à y croire!

Un bébé qui est câliné, pris dans les bras de ses parents et à qui l’on porte attention durant le jour n’a pas besoin de dormir avec ses parents, car il est déjà rassuré.

Si les parents choisissent de dormir avec leur bébé, ce n’est pas simplement pour le rassurer. Le partage du lit est une solution simple et pratique à bien des problèmes. Nul besoin de se lever, de marcher vers une autre pièce, de mettre au sein un bébé qui hurle déjà et de risquer les accidents en s’endormant sur une chaise ou un canapé avec lui. En favorisant les tétées fréquentes et la proximité entre la mère et son enfant, le partage du lit est sans doute un des meilleurs moyens pour bien démarrer et prolonger l’allaitement. En effet, les mères qui dorment avec leurs bébés allaitent plus longtemps et le sommeil partagé présente le grand avantage de favoriser le sommeil de la mère.

De plus, il existe de nombreux dangers à faire dormir un bébé dans son lit. Cela augmente les risques de mort subite du nourrisson. Il pourrait avoir trop chaud, se mettre le nez dans un oreiller, s’étouffer sous les couvertures qu’un de ses parents aurait jetées sur lui par mégarde en dormant. De plus, il peut être écrasé par un de ses parents. Le sixième sens qui empêcherait ces derniers de rouler sur leur bébé n’existe pas, rappellent les pédiatres.

Nous y voilà. Ce paragraphe est particulièrement irritant. Il existe des règles simples et concises qui permettent un partage du lit en toute sécurité. Ces règles sont expliquées en détail dans notre livre et diffusées entre autres par l’UNICEF. De plus, il y a lieu d’être critiques faces aux études qui montrent un lien entre le partage du lit et la mort subite du nourrisson: où dormait le bébé et son parent et dans quelles conditions? Avec qui dormait le bébé? L’enfant était-il allaité? Quel était l’état du parent? L’état du bébé?

En 2006, une importante étude britannique publiée dans The Lancet démontre qu’au moment où les décès dans le lit parental diminuaient de moitié en vingt ans, le nombre de morts inattendues survenues pendant un sommeil partagé sur un canapé avait quadruplé! L’auteur de l’étude, le professeur Peter Fleming, explique que l’absence de messages préventifs est en partie à blâmer. Des familles lui avaient confié que comme on leur avait dit de ne jamais partager le lit avec leur bébé, elles le nourrissaient alors sur un canapé, un endroit fort inapproprié pour dormir avec son nourrisson.

Puisque le nombre de bébés qui dorment avec leur mère est largement sous-estimé et que les bienfaits de l’allaitement exclusif sont connus, n’y aurait-il pas lieu d’adopter une approche plus ciblée du partage du lit, par exemple en insistant sur la façon sécuritaire de le pratiquer?

Pour une petite sieste, il n’y a rien de mal à dormir avec son bébé, mais sinon, optez plutôt pour un berceau au pied du lit si vous voulez être près de lui pour les premiers mois.

Quel contradiction entre la fin de l’article et tout le reste! Bien sûr, les parents peuvent choisir de ne pas dormir avec leur bébé. Nous ne sommes pas en train de dire que le sommeil partagé représente la seule ou la meilleure façon de faire dormir un bébé. Simplement, les parents ne devraient pas être soumis à des messages moralisateurs et simplistes. Ils devraient plutôt être en mesure d’obtenir une information juste sur les différentes options qui s’offrent à eux afin de faire leurs propres choix de parentage.

(source de la photo: Green Parent)

2 Réponses

  1. Tellement, tellement d’accord sur toute la ligne! Mon mari est Africain et, même s’il avait une chambre à lui, il a dormi avec ses parents plus souvent qu’autrement jusqu’à l’âge de 8 ans. Et croyez-moi, il n’en est pas moins autonome, au contraire, il vit au Canada alors que sa famille est encore en Afrique, allo l’autonomie. Résultat, notre fils de 4 ans dort presque tout le temps avec nous, comme ce fut le cas dès sa naissance. Bébé, il était emmaillotté, déposé sur le dos entre 2 oreillers, ses parents endormis avec lui. Vers 5h du mat, bébé se réveillait, je le mettais sur moi et on se rendormait jusqu’à midi, entre 2 séances d’allaitement dans le lit. Pas d’alcool ou autre pour nuire à notre « conscience » de sa présence durant la nuit. Finalement, parfois, je suis ben tannée des stéréotypes véhiculés par les docs…

  2. Excellent texte! Merci de mettre les points sur les « i » et les barres sur les « t ». J’ai déjà dormi sur le canapé avec bébé durant les premières semaines et j’ai trouvé ça trop dangereux. Le cododo est plus sécuritaire et bien moins épuisant pour la maman. Jusqu’à maintenant si je compte toutes mes expériences d’allaitement, ça me donne 46 mois de cododo! Imaginez-vous le nombre de fois que j’aurais dû me lever pendant la nuit, si je n’avais pas dormi avec eux! Merci encore!

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